(...) Nous avions l'air de ne jamais pouvoir être victimes de l’éphémère, on aurait dit qu’il n’y avait pas même un gramme de chair. / Nous étions en quelque sorte : / sans chair, / saines, / oui, / et néanmoins notre chair fut frappée par les coups les plus durs. / Si cela avait été de la chair. / Ainsi le destin frappa sur une toile de sauvetage bien tendue et nous projetait à chaque fois à nouveau vers le haut, / quoi qu’il arrive. / Oui, / le destin nous a remarquées / et puis a fait de nous les prix d’un concours, / jusqu’à la mort / de nos meilleurs côtés. / Depuis, il ne fait que copier sur nous le destin, / jusqu’à la troisième / et quatrième génération. / Il ne sait plus quoi inventer, le destin. / Un roman plein de digression comme pris sur le vif, / non, / nous étions déjà nous mêmes la vie. / C’est en nous qu’on avait pris. / Et pas qu’un peu. / Personne ne s’est gêné. / Personne ne garde sa silhouette, / seules nous la gardons éternellement. / Nous faisons valoir nos talents, / tous ces kilos mais il y en a si peu. / Nous n’avons pas de corps. (...)
La jeune fille et la mort / drames de princesses d'ELFRIEDE JELINEK
